lundi 12 janvier 2009

Mobilisation - L’avocat Karim Achoui reçoit 50 à 80 lettres chaque jour



Pour la troisième fois depuis qu’il est emprisonné, famille et amis de Karim Achoui se sont rassemblés samedi 10 à Paris pour demander sa libération et protester contre les humiliations qui lui sont infligées.
La haute stature de Mohand Achoui ne se voûte pas sous le poids du chagrin. Le patriarche algérien de 72 ans, qui a élevé six enfants en effectuant deux métiers, un le jour, un la nuit, reste digne jusque dans les propos qu’il tient, samedi place du Châtelet, à Paris. Ni violence ni harangue contre la France, où il vit depuis un demi-siècle, ou contre la justice à laquelle il veut garder sa confiance.
Cependant, l’indignation l’étrangle lorsqu’il évoque le régime carcéral de son fils Karim, en prison à Nanterre depuis le 15 décembre dernier : « On l’a emmené, enchaîné, à l’hôpital : chaînes aux pieds, menottes dans le dos et bandeau sur les yeux, pour une simple prise de sang ! Qu’a-t-il fait pour être traité ainsi ? » Mourad Achoui, l’un des frères de l’avocat, estime qu’il est « injustement soumis au régime des DPS », ces « détenus particulièrement signalés » à l’administration pénitentiaire pour leur dangerosité.
Me Karim Achoui est effectivement placé à l’isolement, il n’a accès à aucun espace commun de la maison d’arrêt des Hauts-de-Seine. Son défenseur, Me Francis Pudlowski, explique que ces mesures n’ont été prises que pour assurer sa sécurité : « C’est dur pour lui, car il est totalement seul et qu’il a juste accès à une cour de promenade qui doit faire quatre mètres de long, mais au moins il ne risque pas d’être agressé. » Mourad estime que, même DPS, « on a le droit d’être au chaud dans sa cellule. Mon frère se gèle car le carreau cassé n’a toujours pas été remplacé. Vous trouvez cela normal ? »
« Notre fils ne mange rien ! »
Les manifestants trépignent sur le bitume gelé de la place du Châtelet, sous l’œil de deux policiers en civil. Samira, une amie de Karim, venue exprès de Londres, s’inquiète surtout de sa santé et s’entretient de son avenir avec l’écrivain Henry-Jean Servat, coauteur du livre L’Avocat à abattre (éd. Le Cherche Midi), qui, de son côté, mobilise quelques célébrités amies.
L’académicien Jean-Marie Rouart et d’autres personnalités du monde littéraire ont déjà rejoint le comité de soutien à Me Achoui. « Il paraît qu’il a cessé sa grève de la faim ? » entend-on parmi la foule. Ce sont ses avocats qui l’auraient convaincu de se réalimenter, pour que la justice, appelée à statuer sur sa remise en liberté vendredi 23 janvier, ne se sente pas contrainte par des considérations médicales. « C’est faux, affirment Mohand et Zara Achoui, ses parents. C’est de la propagande visant à démobiliser les gens qui craignent que son état empire. Notre fils ne mange rien. Mais on ne veut pas qu’il se présente comme un cadavre devant les juges, alors on lui a demandé de reprendre des forces quelques jours avant sa comparution. »
Quoi qu’il en soit, le pénaliste « reste déterminé à prouver son innocence », confie Me Missistrano, qui lui a rendu visite le matin même. En attendant son hypothétique libération sous caution, il répond aux anonymes qui lui adressent 50 à 80 lettres par jour. « Il est incroyable, confie Me Pudlowski. Quand je vais le voir, c’est lui qui me remonte le moral. Il est très touché de savoir qu’à l’extérieur il existe une vraie mobilisation, y compris au sein de notre profession. »
(Une quatrième manifestation de soutien est organisée le 17 janvier)
Edition France Soir du lundi 12 janvier 2009 page 12

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire